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Avec Obama, une nouvelle «révolution américaine»?

Historiens et politologues de l'UdeS décryptent les enjeux de la nouvelle présidence

Partout dans le monde, le président Barack Obama a attiré les foules le 20 janvier. Ce fut le cas au Carrefour de l'information de l'Université.
Partout dans le monde, le président Barack Obama a attiré les foules le 20 janvier. Ce fut le cas au Carrefour de l'information de l'Université.
Photo : Michel Caron

22 janvier 2009

Mireille Lavoie

Moment historique, début d'une nouvelle «révolution américaine» : les qualificatifs ne manquent pas pour décrire l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche le 20 janvier 2009. Nul doute qu'on lira dans les livres d'histoire : «Ce jour-là, le monde a changé…» C'est en tout cas ce que pensent des observateurs un peu partout sur la planète… et à l'UdeS aussi! Cinq experts de la Faculté des lettres et sciences humaines ont décidé de se rassembler mardi au Carrefour de l'information pour assister à ce moment historique et l'analyser ensemble.

Après la retransmission en direct du discours d'investiture du nouveau président américain, Sami Aoun, Gilles Vandal, Khalid Adnane, Jean-Pierre Le Glaunec et Patrick Dramé ont réuni leurs connaissances pour offrir une journée de débats unique en son genre, portant sur l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche. Les intérêts des chercheurs étant variés, les discussions ont été étoffées, à l'image des attentes du monde entier face au nouveau président.

La crise économique sévère, les défis de la politique intérieure (avec entre autres l'après-Katrina et la question de l'assurance-maladie universelle), la politique extérieure américaine (guerre en Irak et en Afghanistan, Guantanamo, gestion du dossier iranien, etc.) sont tous des éléments qui suscitent des attentes énormes face à la nouvelle administration. Obama saura-t-il y répondre?

Le professeur Gilles Vandal, spécialiste de l'histoire des États-Unis et des politiques intérieure et extérieure étasuniennes, croit qu'Obama peut laisser sa marque et passer à l'histoire comme un très grand président. L'esprit pragmatique du nouveau président, sa capacité de s'entourer de gens compétents et sa volonté de faire des compromis sont, selon le professeur Vandal, un gage de réussite pour Barack Obama.

La crise économique actuelle a retenu quant à elle l'attention de Khalid Adnane, chargé de cours à l'École de politique appliquée. Les Américains sont inquiets, préoccupés par cette crise. Selon lui, comme nos voisins du Sud sont peu habitués de douter de leur système économique, ils s'attendent à des solutions nouvelles de la part du nouveau président et de son équipe.

Jean-Pierre Le Glaunec, professeur en histoire, s'est intéressé à l'élection de Barack Obama comme premier président noir aux États-Unis. Cela s'inscrit dans la longue histoire des Afro-Américains : des premiers esclaves vendus en Virginie en 1619 à aujourd'hui, la participation des esclaves à la Révolution américaine, à la Guerre de sécession, la ségrégation, la grande migration des Noirs vers le Nord dans la première moitié du 20e siècle et la période des droits civiques dans les années 60.

Sami Aoun, professeur à l'École de politique appliquée, s'est attardé aux relations particulières qu'entretiennent les États-Unis avec le Moyen-Orient. Il a parlé des attentes élevées envers le nouvel élu et du souhait de plusieurs qu'il mette en place des initiatives pour résoudre les conflits. Selon le professeur Aoun, la mission sera périlleuse, mais il ne faut pas perdre espoir! Patrick Dramé, professeur en histoire, s'est penché sur l'histoire des relations américaines avec l'Afrique et leur statut actuel.

L'enthousiasme de la population américaine envers son nouveau président est contagieux comme en témoigne l'engouement qu'il suscite à travers le monde. C'est la raison qui a poussé l'historien Jean-Pierre Le Glaunec à poser la question suivante : «L'élection d'Obama : une nouvelle révolution américaine?» et à organiser ce débat.

Rupture et continuité

Pour bien des analystes, l'élection de Barack Obama est synonyme de rupture. Rupture avec le néo-conservatisme qui porte au pouvoir Ronald Reagan pour la première fois en 1980. Néo-conservatisme dont le règne est à peine interrompu par les années Clinton (1992-2000). Rupture avec un passé lourd de racisme et de ségrégation : c'est la première fois qu'un Afro-Américain accède à la présidence du pays. Si Obama a été élu, c'est donc en grande partie parce qu'il proposait un changement à la population américaine, mais le nouveau président souhaite aussi incarner une continuité chère aux Américains.

Barack Obama se réclame de l'esprit du premier président George Washington avec sa recherche du consensus, son refus de l'esprit de parti et sa prudence dans la gestion des crises internationales. Il invoque aussi très souvent le président Lincoln, élu en 1860, celui-là même qui a proclamé l'abolition de l'esclavage. Obama a même placé sa journée d'investiture sous le thème d'une «nouvelle naissance pour la liberté», une expression employée par Lincoln le 19 novembre 1863 lors de la consécration d'un cimetière en l'honneur des soldats morts à la bataille de Gettysburg. L'esprit de Franklin D. Roosevelt est aussi près de la réalité d'aujourd'hui, lui qui a été président de crise et président interventionniste dans de nombreux domaines (politique de grands travaux, assurance-maladie, chômage, reconnaissance du droit syndical, etc.). Finalement, Obama est un représentant des Afro-Américains, tout comme l'a été Martin Luther King.

Un nouveau départ pour les Américains?

Présenté en fin de journée, le documentaire Trouble the Water relate l'expérience d'une rappeuse de la Nouvelle-Orléans et de son mari après le passage de l'ouragan Katrina en août 2005. Leur espoir d'un nouveau départ rappelle la soif de renouveau du peuple américain. Le documentaire de 90 minutes a reçu le premier prix au Festival du film de Sundance en 2008, et il fait partie des 15 documentaires retenus pour la nomination aux Oscars 2009.

Aux commandes d'un pays qui fait face à d'énormes défis politiques, sociaux et économiques, Barack Obama saura-t-il répondre aux attentes de tous? Ses actions et l'histoire le diront.